Les belles personnes XIII

Deux heures plus tard, Dick allumait une cigarette sur le parvis de l'hôpital. Les médecins s'étaient opposés à ce qu'il sorte aussi vite, mais Dick leur avait clairement fait comprendre qu'il était hors de question qu'il reste allongé une minute de plus. Certes, il avait mal. Un mal de chien, qui enserrait son bras et ses côtes jusqu'à la tête. Mais ce n'était rien en regard de sa rage, et ça, aucun médicament n'y pouvait rien.

Ca l'avait pris au dépourvu, une impulsion soudaine alors que l'infirmière lui apportait ses médicaments. Il s'était penché vers elle, toute floconneuse et compationnée comme seules peuvent l'être les personnages de Soap médicaux des années 50 et lui avait demandé si les corps des victimes de l'explosion avaient été rassemblés ici. Elle avait dit oui. Un exhibitione son badge flambant neuf plus tard, un infirmier aussi sec et boiteux que sa collègue était primesautière et sautillante lui ouvrait les portes de la morgue, tandis qu'un quatuor de médecins s'indignaient en coeur de sa conduite.

La pièce était froide et silencieuse. Familière. Dick était déjà venu à l'occasion, chercher des preuves. Ca faisait partie du boulot. Il savait où trouver le registre des admissions, comment étaient numérotés les caissons. Comment faire coulisser les mécanismes un peu grippés, aussi. Alors sans vraiment y penser, laissant son corps faire tout le travail, il avait marché le long des rangées, s'était arrêté devant le numéro 243, avait saisi la poignée d'acier d'un geste ferme et tiré un grand coup. Comme on arrache un pansement.
Le plateau avait coulissé avec un bruit doux.