Le chemin oublieux P7

Pendant qu'ils marchaient, le soleil avait fini par faire son apparition. L'astre vu des terres mortes n'avait rien à voir avec ce qu'il était normalement, même  Martin qui avait l'habitude de le voir depuis le fond d'Eren Tahn pouvait s'en rendre compte. Pâle, lointain, il était habillé d'une vilaine couleur oscillant entre gris et jaune. Tournant la tête pour le regarder, le runniste plissa les yeux. Le globe céleste semblait entouré d'une multitude de points de poussière en suspension.
Martin considéra la question quelques secondes, puis, avec un soupir, il enleva ses lunettes, sortit son mouchoir, et entreprit d'essuyer les verres maculés de cendres du mieux qu'il pouvait. Il s'acharna un moment, essayant de passer outre le fait que le morceau de tisus qu'il tenait était à tel point maculé de traces grise qu'il était désormais impossible de reconnaître sa couleur d'origine, puis abandonna la bataille. Ses efforts lui donnaient l'impression d'étaler la couche de saleté plutôt que de la retirer de ses verres. Il remit ses lunettes sur son nez, profondément irrité, et s'arrêta juste à temps pour éviter d'heurter Enguerrand.

Celui-ci, immobile en plein milieu du chemin, faisait des relevés à l'aide de sa boussole et de son compas. Chose inhabituelle, Mésange était juste à côté de lui. Le visage fermé, elle parlait vite et bas. Même à un pas de distance, Martin n'arrivait pas à l'entendre. Il en retira une sorte de contrariété sourde, hautement vexé à l'idée qu'on puisse le tenir à l'écart de quelque chose. De plus, Enguerrand ne lui accordait aucune attention, et ne s'était pas excusé pour avoir failli causer une collision. La tête un peu penchée, il écoutait manifestement Mésange avec la plus grand attention. Il murmura finalement quelque chose, puis se retourna vers Martin et les Jumelles. Après avoir avoir attendu que ces dernières daignent s'approcher, il se racla la gorge et lança sans les regarder :

« - Mauvaise nouvelle. D'après mademoiselle Mésange, une tempête est en train de se former. Nous avons encore quelques heures devant nous, mais cela ne suffira sûrement pas à arriver à la prochaine halte ».
Il jeta un regard en coin à Martin avant d'ajouter : -  Malheureusement, il n'y a sur ma carte aucune indication au sujet d'un abri à loups où nous pourrions nous abriter. Mes parents n'en ont pas cherché dans cette zone, car ils ont estimé que les mouvements internes des terres mortes avaient dû les détruire ». Cette fois-ci il lança un regard de biais aux jumelles : « Si nous ne réussissons pas à en trouver un pour nous abriter je pense que nous pouvons considérer nos chances de survie comme nulles ».